Introduction pour le vernissage de Mireille Henry à la Galerie Selz à Perrefitte le 5 septembre 2004

par Annelise Zwez

Mesdames et Messieurs, chère Mireille

Je suis persuadée que je ne suis pas la seule, qui a fait l’experience suivante: Je me rapelle d’un film que j’ai vu il n’y pas mal de temps et lorsque je veux en raconter l’histoire à une amie, je n’y arrive plus. Mais je me souviens parfaitement de ce que j’ai senti pendant le film et après aussi. Mais je n’ai plus de mots précis pour en donner la raison. C’est là, saisissable, mais sans histoire.

C’était au début du mois de juillet de cette année, que j’étais pour la première fois à l’atelier de Mireille Henry à Choindez. A trois heures de l’après-midi. La date et l’heure sont importantes car il y avait du soleil à ce moment-là et de la lumière dans l’atelier. Vous le savez bien, ce n’est pas toujours le cas dans cette crevasse jurassienne où beaucoup de gens ont l’horreur, pensant d’y vivre.

Mireille Henry y habite depuis bien du temps déja, dans un appartement vieux mais vaste. Pour des raisons économiques certes, mais en même temps elle aime d’y vivre.  Et ça ne m’étonne pas. Un endroit où le monde n’est pas devant la porte – vous me regardez, vous me demandez sans paroles si je n’ai pas entendu le bruit des centaines de voitures qui passent sans arrêt. Bien sûr je l’ai entendu, mais qu’est que c’est le bruit? Quand je veux le saisir, la voiture qui l’a produit est déjà loin. Il n’y a plus que l’echo.

Je suis donc dans l’atelier de Mireille Henry à Choindez. On se voit pour la première fois – le galeriste a arrangé le rendez-vous. Une femme et une femme – est-ce-que c’est ça ce qu’il pensait? Peut-être, entre autre. Mireille hésite, qu’est-ce qu’elle veut savoir, la critique? Elle veut se plonger dans les tableaux naturellement. Elle aussi est amateur d’art, bien qu’il ne lui reste que l’écho du processus pictural en regardant les peintures.

Je ne parle que d’échos, il me semble. Ce n’est probablement pas un hasard.

D’autant plus que j’ajoute un autre. Celui qui ma frappé immédiatement lorsque Mireille m’a montré les premiers papiers, par terre encore. Je sens le coup toujours. Je regardais donc et il y avait quelque chose qui ressortait de la peinture gris-verdâtre, quelquechose entre brouillard, fumée, nuage – transparent, et naturellement pas visible réellement, et pourtant visible, emotionellement. Je relevais les yeux et je regardais par la fenêtre. Et immédiatement je réalisait ce qui c’est passé. Car je revoyais frontalement la peinture vis-à-vis de moi. Je voyais le gris du rocher, du mur en pierre, creusé, avec des traces plus foncées, noir même, je voyais le va et vient de la lumière et de l’ombre, je voyais le vert des buissons qui se tenaient à peine dans le rochers. Et je sentais l’écho dans la peinture devant moi, l’énergie transformée. C’était la même chose, ce que je voyais avec mes yeux, et ce que je sentait surgir de la peinture, pas sur un plan visible, mais sur un plan émotionelle.

En ecrivant ce texte, il faut que je regarde à l’intérieur de moi-même, que je souffle conscienment pour pouvoir retracer les formes de l’émotion que j’avais. On peux retrouver un sentiment – les peintures de Mireille Henry en sont la preuve.

Je ne vais pas vous dire de qu’elle peinture je parle – pour être honnête, je ne suis même pas tout à fait sûre si elle est dans le choix pris pour cette exposition. Je le crois, mais c’est égal, comme il est égale que je me souvienne exactement du film ou n. Je me souviens du sentiment et le sentiment est quelque chose de précieux en soi. Et en plus je rabaisserais le brillant de l‘invisible à une sorte d’illustration, si je vous dirais, il s’agit de tel et tel peinture. Laissez le mystère à l’art visuel, m’écrivait Magdalena Abakanowicz il y a quelques mois. Et elle a raison.

Je suis persuadée que ce n’est pas seulement mon histoire que je viens de vous raconter, mais en quelque sorte ce qui se passe dans tous les oeuvres de Mireille Henry – non seulement lorsque vous les regardez ou plutôt explorez avec les tentacles de votre corps intérieurs, mais aussi lorsque Mireille Henry est en train de les peindre. J’ai bien retenue la phrase qu’elle ma dit ce bel après-midi du début de juillet: „J’essaye“, elle disait, „de retracer des souvenirs“.

Lorsque vous regardez dans le rond, vous voyez, que ces souvenirs ont plus ou moins de formes saisissables – de moins en moins je dirais par rapport aux quelques travaux un peu plus anciens que j’ai vu – mais de plus en plus précises en ce qui concerne l’énergie, la fréquence, la lumière, la couleur, le geste de l’émotion envisagée. Peut-être on peut caratériser les oeuvres de Mireille Henry comme métaphores d’émotions. Ca les ouvre, ça met le doigt sur le point, qu‘il n’est pas important du tout, et ne pas possible en plus, que nous échangeons les mêmes sentiments avec les peintures que l’ariste a eu en les peignant. Il y a là un vaste bassin commun pour nous tous, que nous soyons Romands ou Suisses alémaniques ou….n’importe.

Pourtant, il ne faut pas être naive, parce que le language des peintures de Mireille Henry nous n’est pas totalement nouveau. Veut dire la recherche de l’artiste fait suite a une recherche – feminine avant tout – qui a  – dans ma vue de l’histoire de l’art – commençé avec l‘autrichienne Maria Lassnig (née en 1918), qui a essayé de retracer le corps non pas d’après l’anatomie mais d’après le sentiment de la forme de son corps. Mais ce n’est pas la seule, dont je me souviens dans les alentours de Mireille Henry, pas du tout. Il y là aussi, par exemple, Agnes Martin, l‘Américaine des années soixantes qui cherchait dans la réduction est le calme, le monochrome de l’abstrait le moment du bonheur, le moment ou elle se sentait en parallèle avec sa vision. Curieusement il y a aussi une Bernoise qui me vient à l’idée, Mili Jäggi, qui peint, ou plutôt peignait, elle est très malade, des papiers verticaux, abstraits qu’il fallait toujours suspendre très bas, afin qu’ils soient vis-à-vis du corps, vis-à-vis du souffle aussi.

Dans ce petit tour d’horizon Mireille Henry joue le rôle de l’artiste qui se sent proche de la nature – du rocher, de l’eau, du ciel – mais aussi et en même temps du corps humain, cet instrument grandiose de l’intellectualité et de l’émotion. L’un est dans l’autre et dans l’univers.

 

Je vous remercie de votre attention.