Discours lors du Vernissage de Silvia Grossmann et Daniel & Françoise Cartier à la Galerie PR 36 à Neuchâtel, le 14 avril 2005

Annelise Zwez

Mesdames et Messieurs, chers artistes

Il n’y a pas si longtemps que j’ai assisté au vernissage de l’exposition interactive, organisé par l’office fédéral de la culture, au foyer de la tour OFS. La critique que j’ai écrit dans la suite était assez critique, mais ce n’est pas pour aujourd’hui. Il y a peut-être 8 mois que j’ai vu la performance du Bâlois Heinrich Lüber  quelque part dans le ciel, tout en haut sur le toit de l’immeuble vis-à-vis de l’OFS.  Je l’ai beaucoup apprécié, bien qu’il n’y avait pas beaucoup de monde. Et il n’y a pas longtemps non plus que j’ai constaté une petite résurrection du CAN – bien aimé dans les années 90. Mais il y a longtemps que je n’étais plus au musée d’art et d’histoire à Neuchâtel. Il ne m’a pas attiré. Et ici au PR 36, je l’avoue, je suis pour la première fois. Voilà la vue d’une critique d’art biennoise sur Neuchâtel.

Quand étiez-vous à Bienne pour la dernière fois? Au Centre PasquArt par exemple? Il y a là en ce moment une exposition d’une jeune Genevoise qui habite Los Angeles, Francesca Gabbiani. Ca vaut le coup. Vous l’avez manqué? Vous avez encore le temps jusqu’au mois de mai – le train ne va pas seulement de Bienne à Neuchâtel, mais aussi dans l’autre sens!

 

Je connais bien l’architecture de l‘ OFS,  elle est comme un signal si on arrive en train, hélas on est à Neuchâtel. Mais hier, déjà dans le bus qui allait m’ammener aux Portes Rouges, j’ai regardé la tour et puis l’annexe à gauche – et la bouche m’est resté ouverte et j’ai rigolé: J’avais pour un petit moment l’impression de voir une oeuvre de Silvia Grossmann. Je me sentais donc invité à voir ce qu’elle présente ici, pour la première fois en Suisse Romande.

Avec Françoise et Daniel Cartier exposent pour la première fois un couple biennois ici au PR 36. Bien sûr que je les connais depuis bien des années. On les connaît à Bienne! Mais ce n’est pas la raison pour laquelle c’est moi qui parle aujourd’hui lors de ce vernissage. C’est peut-être un surplus pour intensifier l’intention des deux galeristes – bilingues tout les deux – de rapprocher Bienne et Neuchâtel sur le plan de l’art visuel. Une chose, qui peut être intéressant pour les Neuchâtelois, mais – j’ose le dire – encore plus pour les artistes biennois de langue française qui sont de temps en temps un peu à l’écart à Bienne, car, le secrétaire du département culturel de la ville de Bienne le dit toujours, Bienne est bien aimée par les suisses allemands à cause de son charme romand, mais pas tellement accepté comme ville romande par la Romandie.

Alors les Cartiers ne sont pas la raison pourquoi je parle aujourd’hui – il ne reste donc que Silvia Grossmann, pour laquelle j’ai déjà parlé une fois à Berne il y a quelques années. Elle m’a donc envoyé un email – comment est-ce qu’on viverait sans email – et voilà; une occasion pour moi aussi de connaître un nouvel aspect neuchâtelois.

Et je commençe par des félicitations aux galeristes Helga Schuhr et Kathrin Jonas-Lambert. Sur deux plans. D’abord qu’elles ont le courage de voir une exposition à Bâle, d’une artiste d’origine suisse allemande vivant à Vienne depuis 20 ans et qu’elles ne connaissaient pas avant, et de l’inviter dans la suite à Neuchâtel, tout simplement parce que le travail les a convaincu. Pas de question: Combien de pièces est-ce-qu’elle a vendu à Bâle, on peut vendre ça chez nous… non, la démarche artistique de l’artiste leurs a plu et ça suffit. C’est plutôt extraordinaire.

 

Mais ce n’est pas tout. Elles ont réfléchi après, qu’est-ce qu’on pourrait combiner avec ses photographies arichtecturales et scultpurales en même temps. Sachant qu’il est très difficile de combiner des oeuvres photographiques avec des médias non téchniques comme la peinture, le déssin, la sculpture traditionelle, elles ont choisi d’autres photographes. Une chose qui semble encore plus difficile pour créer une tension dans la salle d’exposition – ici donc – mais comme elles ont regardées la photographie non comme un médium pour documenter que qu’ce soit, mais comme un instrument pour créer des originaux, les possibilités se sont reouvertes.  N’oublions pas que ça fait environs 35 ans que les artistes (plutôt que les photographes) on commençé à utiliser la photo comme champ d’experiment pour faire de l’art.  Nos galeristes ont choisi le rose pour entrer en dialogue avec le noir-et-blanc, le mur plat pour contraster aux oeuvres qui cherchent l’espace. Je suis sûre que vous êtes d’accord avec moi, que la combinaison des oeuvres de Silvia Grossmann et de Françoise&Daniel Cartier est une excellente. J’ai demandé hier à Katrin Jonas si c’était anticipé ou un cadeau. „Les deux“, elle me répondait.

Mais ce n’est encore pas tout. Sur la question: pourquoi les deux?  Katrin Jonas m’a aussi répondu – et elle a certainement parlé pour les deux galeristes – que c’est  aussi le moment de la légerté qui avait dit „oui“ au choix. Effectivement – les Cartiers, ils montrent des objets, nous les reconnaissons, mais dans un état immatériel. Bien sûr, la photographie, ce n’est jamais du matériel. Mais le photogramme, utilisé ici, est un négatif, veut dire les formes émergent là ou il n’y a pas de lumière – les formes sont le vide on pourrait dire, donc l’inverse du matériel. C’est ça ce qui rend les travaux aussi  légers que ça,  c’est ça aussi ce qui les transforme en vision, en rêve érotique. Je crois je ne dois plus vous expliquer pourquoi les Cartiers sont fascinés de cette téchnique du photogramme, qu’ils utilisent depuis 8 ans maintentant. Avec succès et sans en avoir marre.

 

Mais revenant à la légèreté qui unit les deux oeuvres montrés dans cette exposition. Silvia Grossmann dit qu’elle est une promeneuse. Je la vois comment elle se promène dans les vastes rues et les parcs de Vienne. Dans sa main un fil de nylon. De temps en temps elle regarde vers le ciel ou voltige son cerf-volant. Si on regarde bien, on voit que c’est une de ses oeuvres qui fait de la voile. A la fin de la promenade elle va retirer le fil et remettre l’oeuvre dans le contexte de l’art. Pendant que le cerf-volant a tournés ces ronds, Silvia Grossmann a pris des photos le long de son chemin. Un tout petit peu elle a dansé avec lui.  C’est pour ça que les architectures dans ses oeuvres sont en mouvement, d’après le rhythme des pieds aussi bien que du regard. La transformation n’en est pas exacte, elle suit le sentiment, la danse de la vie. L’humour n’est pas toujours le même,  c’est pour ça entre autre qu‘ il y a des degrés d’abstraction divers.  Il y a des oeuvres ou Silvia Grossmann ne photographie que les reflets de l’architecture, dans une fassade vitré, par exemple. Et commence ainsi son travail déja de façon indirecte. Ce n’est pas un négatif comme chez les Cartier, mais il y a là des relations sur l’aspect de l’immateriel qui se montre et nous parle plutôt sur le plan de la métaphore que du réel.

Les Cartiers travaillent uniquement avec le papier photographique qui se transforme en rose avec la lumière. Ca évoque le corps, l’intimité qui entre en dialogue avec les dessous, les fleurs, les mouchoirs. Le corps n’est pas là, mais on sent son parfum. L’homme n’est pas non plus présent dans les oeuvres de Silvia Grossmann, mais là aussi, on sent sa présence. On se sent soi-même se promener en ville, regarder tout le long d’une fassade  ou du bas en haut dans une cour.

„Ce qui est important“, dit Silvia Grossmann, „c’est que je prend mes photos toujours du pavé, du sol.“ La légèreté,  le cerf-volant l’a montré , c’est aussi le vol, le désir de se lever, de quitter le sol. Il faut donc montrer le mouvement a partir du bas. Pourtant  il faut que nous intégrions la forme des oeuvres dans la réflexion. Bien sûr dans les villes il y a beaucoup de courbes et l’artiste travaille avec cela, mais il y aussi l’aspect du vêtement dans l’architecture. Si le corps chez les Cartiers est plutôt nu, chez Silvia Grossmann il est habillé – de jeans et de pulls, on ne le voit pas, mais sur un plan ultérieur il est dans une interactivité avec les environnements, dans lesquels il vit ou se promène. Il les formes d’après son apparition, d’après sa sensibilité . Il en fait des bâteaux, des cerf-volants, il en fait des palisades, il les dissimulent en rhythme, en musique. C’est l’artiste qui ne doit jamais oublier qu’il faut une construction pour pour faire de la voile. Même dans l’art.

Je vous remercie de votre attention.